Comment protéger ses salariés sur un chantier à haut risque ?

Chantier à risque

Qu’il s’agisse de construction ou de rénovation, les chantiers comportent des risques importants. Cela est d’autant plus vrai en présence de matières dangereuses ou polluantes. Les entreprises doivent alors respecter de très nombreuses normes et anticiper au mieux tous les aspects de leurs métiers.

 Le BTP est un secteur très exposé aux risques. Alors qu’il emploie un peu plus de 8 % des salariés inscrits au régime général de la Sécurité sociale, il représente 14 % des accidents du travail et 15 % des maladies professionnelles, mais également plus de 16 % des accidents entraînant une incapacité permanente et plus de 19 % des accidents mortels. Et ce, malgré les efforts très importants réalisés en matière de prévention au cours des trois dernières décennies, durant lesquelles le nombre d’accidents mortels dans le BTP a été divisé par trois.

Principales causes à l’origine des accidents du travail dans le BTP selon l’Assurance maladie : la manutention entraînant des troubles musculo-squelettiques, les chutes de hauteur ou de plain-pied et l’outillage à main. Les troubles musculo-squelettiques représentent par ailleurs la première cause des maladies professionnelles dans ce secteur mais l’exposition à des produits chimiques, notamment à l’amiante, constitue également un risque majeur.

Information, formation, évaluation des risques, organisation du chantier, mise à disposition d’équipements adaptés… Les entreprises de BTP disposent de plusieurs leviers pour prévenir les risques auxquels sont exposés leurs salariés. Leurs obligations légales dépendent de la nature du chantier, mais elles intègrent dans tous les cas des mesures de sécurité et de protection de la santé, en particulier en matière de formation et d’information du personnel. Certaines formations spécifiques sont obligatoires, notamment pour la conduite d’engins, l’utilisation d’échafaudages, l’exposition aux risques chimiques, électriques, à l’amiante ou au plomb.

Toute démarche de prévention s’appuie sur une évaluation des risques liés à l’analyse de l’environnement et des situations de travail. Le document unique d’évaluation des risques (DUER), prévu dans le code du travail, est le socle de toute démarche de prévention. Les équipements de protection individuelle (EPI) occupent également une place très importante sur les chantiers : casque, gants, bottes ou chaussures de protection, masques en cas de risque respiratoire, lunettes contre les projections et les rayonnements…

Bouygues ne veut plus un seul accident grave sur ses chantiers

Les grandes majors du BTP adoptent généralement une politique volontariste sur le sujet. Bouygues Bâtiment France Europe, par exemple, affiche l’un des taux de fréquence d’accidents les plus bas du secteur, et a encore revu ses ambitions à la hausse dans ce domaine. Le groupe de construction, qui emploie 10 000 collaborateurs en France et dans d’autres pays d’Europe, vient de se fixer un nouvel objectif : « zéro accident grave » sur ses chantiers à l’horizon 2021. Un objectif qui s’applique à tous les intervenants : collaborateurs de Bouygues, mais également intérimaires et sous-traitants. Cette stratégie vise à ancrer durablement la santé et la sécurité dans la culture du groupe, notamment par le respect de fondamentaux comme le « zéro alcool et drogue » ou le port des EPI (équipements de protection individuelle).

« Aujourd’hui, 94 % de nos chantiers se déroulent déjà sans accident », explique Valérie Koïta, directrice prévention santé sécurité de Bouygues Bâtiment France Europe, au magazine Capital. « La nouveauté, c’est que cette politique s’adresse désormais à tous les intervenants : du top management au sous-traitant, même le plus petit ». Pour parvenir à ce résultat, plusieurs leviers sont utilisés, et d’abord la formation. « Le message clé, c’est zéro prise de risque pour zéro accident. Il faut changer les comportements pour faire prendre conscience des risques. Et il faut rappeler sans cesse et à tout le monde les règles de sécurité, même les plus élémentaires ».

Mais « pour qu’une politique de sécurité soit efficace, il faut qu’elle soit portée par le management », estime la Madame Sécurité de Bouygues Bâtiment. « Il faut éviter le double discours, notamment avec les sous-traitants, où d’un côté on demande de réduire les coûts et de l’autre d’être au top question sécurité. Au contraire, on essaie aussi d’aider nos sous-traitants à se former, à s’équiper, à améliorer leurs conditions de travail et leur culture sécurité ». Le groupe a également mis en place une plateforme numérique permettant de signaler les incidents sur les chantiers, même ceux qui semblent les plus insignifiants, afin de corriger les erreurs.

 DI Environnement : l’amiante, une affaire de spécialistes certifiés

 Le respect des réglementations et des règles de sécurité et de protection de la santé s’impose bien sûr avec encore plus de force en présence de matières dangereuses ou polluantes, comme par exemple l’amiante, interdite depuis 1997 et responsable de graves maladies respiratoires. « En France, la réglementation sur l’amiante est plus contraignante encore que pour le nucléaire », explique ainsi Michel Galzin, directeur Qualité chez DI Environnement, ETI française spécialisée dans le désamiantage et la dépollution. « Les professionnels du BTP doivent impérativement mettre leur chantier à l’arrêt dès lors qu’une structure amiantée a été repérée de manière fortuite. Il faut alors recourir à des spécialistes comme DI Environnement qui peuvent se prévaloir des certifications indispensables à un travail de désamiantage. Il est illégal et extrêmement dangereux de s’essayer à retirer de l’amiante sans obtention préalable des certifications adéquates ».

La certification est un processus lourd qui implique de multiples obligations comme la mise en place de protections pour l’opérateur qui intervient sur le site afin qu’il ne respire pas des fibres d’amiante. « En tant que professionnels, nous mettons également en place des structures collectives pour que l’environnement soit préservé des fibres d’amiante, précise Michel Galzin. En d’autres termes, la grande majorité des retraits d’amiante se fait aujourd’hui en zone confinée. La zone est mise en dépression, c’est-à-dire que l’air entre, mais ne peut pas ressortir de la zone délimitée sans être filtré. L’objectif – du reste tenu – est d’empêcher que la moindre fibre d’amiante ne s’échappe dans l’air ».

Toutes les procédures mises en place sont soumises aux règles draconiennes du référentiel NF X46 010, qui fait l’objet d’une certification délivré par trois organismes (AFNOR, Qualibat et Global Certification). Chaque entreprise doit ainsi passer devant une commission d’experts, qui attribue ou non la certification souhaitée, laquelle fera ensuite l’objet régulièrement de contrôles et de réévaluations. « Il faut notamment faire état de la mise en place technique des obligations réglementaires, prouver que le matériel nécessaire est à disposition et bien utilisé par des équipes vraiment formées aux problématiques du désamiantage », souligne le directeur Qualité de DI Environnement. La surveillance des entrées et sorties du personnel sur les sites, les valeurs limites d’exposition professionnelle mesurées directement sur les opérateurs sont autant de critères à respecter.

Naval Group : l’importance de la formation

 Chez Naval Group, qui conçoit et réalise la maintenance de sous-marins et de navires de défense, l’activité requiert également des habilitations spécifiques, par exemple pour les travaux en hauteur sur des échafaudages le long des coques, le travail sur les ponts des navires ou en espace confiné dans les sous-marins… Mais aussi des habilitations concernant l’électricité, les chariots-élévateurs ou les opérations de levage. Sans ces habilitations, pas de compétences sécurité, et donc risque d’accident.

L’entreprise veille d’ailleurs à tous les aspects de la santé et a rapidement communiqué au début de la crise sanitaire : « Face à la crise exceptionnelle que nous traversons, Pierre-Éric Pommellet prend la tête de l’entreprise en ayant pour préoccupation d’assurer la santé et la sécurité des collaborateurs du groupe tout en répondant aux missions essentielles de nos clients au service de la Défense, qui ont plus que jamais besoin de notre soutien ». Une mobilisation qui concerne tous les salariés de cette entreprise pas tout à fait comme les autres.

Naval Group, qui emploie 13 000 personnes en France réparties sur neuf sites et compte une quinzaine de chantiers ouverts hors de France a lancé depuis quelques années une initiative baptisée « La sécurité par choix, non par chance ». « Cette initiative vise à développer la culture sécurité en prônant une vigilance partagée au sein des équipes, afin de réduire les incidents et les accidents de travail », explique Patrick Rambaud, chef de projet Naval University, au magazine de Bureau Veritas. « La formation revêt ainsi des enjeux très forts de compétitivité et d’attractivité ».

 En un an, quelque 5 000 personnes ont ainsi été formées à la santé et à la sécurité au travail lors de plus de 650 sessions de formation, avec 150 formations différentes au catalogue. En moyenne, les personnels de terrain, qui représentent 70 % des effectifs, bénéficient de trois jours de formation par an. Un portail de formation, mis en place avec Bureau Veritas, permet d’optimiser les aspects administratifs. « Nous avons ainsi divisé par deux le délai entre la formation et la notification des habilitations, souligne Patrick Rambaud. Notre personnel formé est opérationnel plus rapidement et cela se répercute en interne sur notre gestion prévisionnelle des emplois et compétences ».

 Un exemple qui confirme, une fois de plus, que la formation est bien au cœur de la prévention des risques sur les chantiers.